Dans le village, pendant la semaine de la fierté, la ville de montréal et la police ont brutalement attaqué des queers de conscience qui y défendaient des vies humaines et de meilleurs lendemains. 

Certaines des affirmations qui suivent ont déjà été diffusées par de nombreux groupes sur différentes plateformes (notamment @helemtl, @mubaadarat et @voixjuivesmtl; @brulances; @palactmtl; @traps_mtl; @iwwmontreal; @la.fags  (retour sur la perturbation du défilé); @desinvestir4palestine; @lefrontrose; @flip_montreal; @pink_bloc_mtl; @nous_pas_sages; @ora.rao.rev; @_eviction; @premierelignecollectif), mais il semblerait que l’on doive encore se répéter. Nous déplorons le manque de recherches et d’information flagrant des articles « journalistiques » publiés ces derniers jours. Profitons-en pour présenter notre compte-rendu des évènements de la rad pride.

Cette année, un pan de nos communautés a développé une conscience politique de plus en plus forte, embrassant des valeurs et idéaux anti-colonialistes et anti-capitalistes. Cela a été propulsé par le contexte actuel du génocide en Palestine, par la montée du fachisme qui intensifie les attaques transphobes et queerphobes, par la crise du logement qui nous précarise d’avantage, etc. C’est de ce pan de nos communautés dont on parle en désignant les « queers de conscience ». Bien que le P!nk Bloc rassemble plusieurs de ces queers de conscience et qu’il ait endossé l’organisation de la Rad Pride l’année passée, cette année la Rad Pride n’en répond pas. Elle n’est pas, non plus, une initiative de « groupuscules » de militants propalestiniens, mais plutôt la cristalisation de la radicalisation de nos communautés. La lutte que l’on mène n’est pas centralisée, ni uniforme, mais solidaire et indispensable. Nous venons de différents milieux, de différents champs d’expérience et nous sommes (presque) partout !

Le 10 août 2024 se tenait la Rad Pride (fierté radicale), saisissant un espace qui soit réellement le nôtre – sans honteuses complicités génocidaires ni complaisances capitalistes. Nous étions arrivé.es prêt.es à différentes éventualités. Nous avions préparé des chants, une chorale, une minute de silence commémorative, des actions théâtrales impliquant le comité des « sages »; tout ça afin de porter clairement notre message : nous refusons d’embarquer dans la parade auprès des chars de banques sionistes, de la classe dirigeante et de la police. Nous ne passerons pas sous silence les atrocités qui sont légitimées en nos noms. Nous ne nous soumettrons pas à la transphobie de l’état, symptômes ou cheval de troie de la montée du fascisme. Nous continuerons de nous tenir les coudes serrés avec nos adelphes palestinien-es, arabes et avec tous les peuples opprimés, car c’est la position naturellement adoptée par les queers de conscience depuis Stonewall – la seule qui soit cohérente avec notre réelle libération.

Malheureusement, nous n’avons pas pu déployer tous les messages symboliques que nous avions prévus. L’escouade anti-émeute s’est d’emblée positionnée à quelques centimètres de nos corps, cherchant à nous intimider, clairement venue pour se battre. Nous marchions en chantant, déjà encadré.es par la police et les anti-émeutes. Sans provocation, une bannière a été arrachée, la police a chargé l’avant de la manif et a défoncé une terrasse en essayant d’attraper des manifestant.es qui s’échappaient. Rapidement, nos déplacements ont été fortement limités. Certains clients des terrasses lançaient des atrocités : « libérez la Palestine… des musulmans », d’autres gays bourgeois donnaient joyeusement leur argent au Starbucks, finançant le génocide au modeste prix d’un café par jour. Cette dynamique met en lumière le fossé grandissant entre les individus aveugles à leurs privilèges, jouissant du pinkwashing capitaliste, et les queers de conscience qui cherchent à bâtir des solidarités dans une lutte commune, pour une transformation collective, pour un monde sans domination.

Le bris causé par la manif s’est limité aux vitrines d’une branche du RBC et d’un Starbucks (qui soutiennent le génocide en cours en Palestine) et à celles d’un agent immobilier (qui gentrifie le Village et repousse nos communautés loin des endroits qui se veulent accueillants et plus sécuritaires pour nous). Coincé.es par la police, on s’est ramassé.es à tourner en rond, à faire des allez-retours, mais surtout à résister sans se laisser impressionner. La soirée s’est terminée plus festivemment, en dançant jusqu’au départ de la police. 

Certains articles mentionne l’arrestation de nos camarades. Notons qu’une des personnes arrêtées est non-binaire, contrairement à ce que prétent la police tel que rapporté dans les articles parus. D’ailleurs, certain.es de nos camarades témoignent d’une différence de traitement par la police en fonction de la perception de leur genre, qui va du profilage transphobe aux violences sexuelles et à la mysogynie. Ces phénomènes témoignent de l’imposition systémique des catégories binaires sur nos corps, doublé de la criminalisation des identités dissidentes. (Nous pourrions aussi parler de la complicité du système carcéral, de « justice » punitive et de la pathologisation de nos réalités…)

Notre queerness était visibilisée principalement par des drapeaux de la fierté et des fumigènes et cagoules roses, unis par le triangle rose : symbole de la résilience et résistance des queers face à leur extermination.

L’appareil oppressif mis en place et envoyé par la ville de Montréal lors de la Rad Pride est particulièrement symbolique dans le contexte du génocide actuellement en cours en Palestine depuis maintenant plus de 10 mois (et de l’occupation en cours depuis 1948). En effet, c’est dans le contexte colonial israelien d’un continuel maintient à l’ordre (la tentative d’étouffement de toute rébellion) que sont développées certaines des techniques répressives qu’appliquent le SPVM.  Ainsi, en prétendant répondre à un besoin de sécurité, tout en créant un sentiment de peur au sein de la société, la police s’attaque aux citoyen.nes ordinaires en tant que potentiel.les menaces à l’ordre public. C’est ici que la police montre son dévouement à défendre l’État et non plus la société civile. Le discours médiatique prétend à « la sécurité du public et des officiers » lors de ces interventions, créant un discours d’opposition et une séparation entre les citoyen.nes et manifestant.es qui n’a pas lieu d’être. Encore et toujours, nous nous battons pour les droits et la liberté de tous.tes; [pourquoi pas vous ? Rage et Amour, calisse !]

Nous avons porté cet évènement afin de lancer un message, mais aussi pour nous-même, pour exister dans l’espace et le temps en tant que communauté. Être ensemble, organisé.es, fort.es, résilient.es et surtout fier.ères – saisir un espace à la hauteur de nos convictions a mis un baume sur de nombreux coeurs qui peinent à trouver leur place dans une société violente, brutale, qui ne fonctionne que dans des logiques capitalistes et coloniales, de domination et d’exploitation. Nous sommes de la résistance, nous défendons un monde meilleur pour tous.tes – quitte à parler la langue de l’oppresseur : faire monter les coûts politiques et matériels de la complicité et de la complaisance. Personne ne sera libre tant que nous ne serons pas tous.tes libres !

Personne ne sera libre tant que nous ne serons pas tous.tes libres !

Photo par André Querry